"Dans la plaine les baladins s'éloignent au long des jardins ..." (Apollinaire) ...
Arpentons, amis lecteurs, ces jardins chatoyants qui, tels maints livres effeuillés, nous content mille récits ardents dont les figures mémorables pansent nos blessures et régénèrent nos désirs... Pour que ce flux magique continue d'irriguer notre Coopérative idéale : celle des Lecteurs Réunis.
mercredi 16 octobre 2013
EMOUVANCES (5) PAYS SAGES
Cela
commence par une rencontre. Bois et pierre. Feu et froideur. Irruption du
végétal au cœur du minéral. D’un végétal chaleureux, parvenu à maturation,
habilement transformé de main d’homme et par sagesse du temps : majesté
silencieuse de l’arbre. D’un minéral éternel dont l’évolution nous échappe tant
elle déborde notre approche commune de la durée.
De
l’esprit se dégage d’abord la vision claire d’un chalet de montagne tout en
rondins de bois brut, noir et verni. Sensation d’harmonie, d’intimité, posée
par le regard sur un objet artisanal à l’architecture suspendue à bout de
silence, à la matière patiemment puisée au creux des forêts proches. Et puis,
très vite, une seconde image vient se superposer à la première, formant avec
elle les deux pans jumeaux d’une même réalité. Celle d’un temple antique de
pierre blanche, lisse, ciselé en colonnades rondes finement travaillées,
fièrement érigées aux fins d’une construction édifiante. Bientôt les deux
images n’en font plus qu’une, à la manière dont deux récits enchâssés finissent
par nous révéler les fondements d’une histoire unique, singulière.
Dès
l’origine, on s’est senti issu de cette fête muette de la nature où la roche et
l’arbre se côtoient, comme toujours déjà là depuis la nuit des temps. Source et
complicité. Célébration mutique qui a le poids d’une évidence tranquille,
sagement exposée, secrètement entretenue, entre hasard et nécessité. Pierres et
arbres posent les éléments d’un paysage des origines rebaptisé
« pays » par le regard des hommes. Pays sage. Paysage de montagne où
roc et terre se disputent la place au gré des vents et des sources. Plus le
marcheur s’élève, plus l’érosion s’affirme souveraine dans son jeu de sape du
minéral, à la manière dont la parole se saisit et use des mots en puisant à la
source de leur murmure virtuel. Comment ne pas être fasciné par ce trésor de la
langue, fidèle et toujours à portée de l’heureux penseur. « Qu’est-cequi est à
toi ? L’usage de la langue », souffle Platon à Théétète.
Bois et
pierre, mots sages et paroles brutes comme l’airain, nous livrent l’image
primitive d’un récit des origines, celui qui se fonde sur les liens que peuvent
entretenir la connaissance et son expression orale. Ce moment prend sa source -
et n’en a jamais fini de s’achever - dans une soirée entre amis de grande
classe, d’élégance partagée, sous les colonnes d’un temple grec. La discussion
y a cours, y court, y discourt, à la manière d’un babil cristallin et grave. La
pensée coule de source, s’affine, se glisse par dédales et métaphores,
circonvolutions et arabesques, qui filent et planent au-dessus d’une forme de
banquet. Un banquet où les idées sont à la fête, tels les mets d’un très ancien
repas toujours installé, toujours actuel, dont il suffit de ranimer les parfums
et saveurs pour l’entendre à nouveau développer son chant fertile. Oralité,
scène primitive. Fermant alors les yeux, laissons-nous porter par la mélodie de
la langue, des dialogues familiers et des images qui se profilent en toile de
fond du discours. A ce chant intérieur, intime, que manque-t-il pour endosser
la dimension aérienne, résonnante, d’une parole se déployant devant soi, de soi
à l’autre, d’un ici à un ailleurs ? … D’un langage intérieur à un discours
élaboré, énoncé, prononcé ?... Des linéaments conscients d’une pensée à la
clarté vocale, quasi musicale, d’une expression qui s’affirme dans l’espace
sonore ? Partir en quête de ce chaînon manquant d’une musique des idées,
c’est déjà s’abandonner aux futiles interludes échangés à fleur de quotidien.
Quelle force
accorder au langage ? Question tangente à deux autres. Y a-t-il une vie de
l’esprit ? Le mental se résume-t-il au cérébral ? Interrogations
reprises tout du long de l’histoire de la pensée. Si Bergson fait du cerveau
l’organe d’attention à la vie, il montre à quel point la conscience déborde de
l’organe. C’est bien de l’intérieur que le penseur appréhende son propre esprit. A
l’image du sentiment que chacun peut avoir de sa personnalité propre,
unique : conscience signifie d’abordmémoire. Heidegger, l’homme du dasein
- l’être là - fixe la pensée comme une méditation, une ouverture à l’être.
Penser, ce n’est pas affirmer son pouvoir sur le monde, mais se laisser
convoquer par quelque chose qui invite à le faire. Ce quelque chose, c’est
l’être, terreau original du monde. L’homme participe à l’Être. Penser, c’est
tenter de retrouver cette présence originaire, sans autre finalité
qu’elle-même. En s’ouvrant aux œuvres. Dans l’art et la poésie, dans la nature,
dans et par le langage. A l’écoute de nous-même et de nos racines, faisons
silence et restons réceptifs à la seule présence des choses, à leur simple
être-là. Méditer. S’abandonner à la pure présence en oubliant toute idée de
cause, d’utilité, de but.
« En réalité, c’est la langue qui parle
et non l’homme », suggère un philosophe. Parménide, auteur
présocratique des origines de la philosophie il y a vingt cinq siècles, est
déjà le penseur de l’être. Textes et poèmes chantent alors les mythes religieux
de l’orphisme qui assimile la quête de la vérité à une initiation, à une
révélation. D’abord condamnée, l’âme se fait digne d’être réincarnée, conduite
vers une survie bienheureuse où l’humain se fond au divin. Poéthique des traces.
Appel à la
philosophie de l’esprit qui « défait
les nœuds de la pensée », écrit Wittgenstein. Apprendre à démêler
l’ombre projetée des malentendus et des illusions. La conscience de soi relève
d’abord de l’appartenance à un langage qui nous fait maîtres du passé,
chroniqueurs et récitants potentiels de notre propre temps de vie. La
philosophie ne vise pas à connaître mais à comprendre, à mettre en lumière en
questionnant le monde. Question d’ossature, de structure autant que de
subjectivité, d’intériorité. Se retenir de penser confine à l’impossible, même
s’il nous est loisible de taire nos pensées comme de les exprimer. L’esprit
déborde du langage qui la porte, ouvre celui-ci à un infini du sens en
multipliant les formes et les supports : matières, modelés des formes,
nuances, couleurs offrent de multiples occurrences aux manifestations de la
pensée. Du manuscrit raturé aux repentirs picturaux recouvrant la toile de
couches successives, d’essais au fil du temps, l’artiste vit à travers les
erreurs et tentatives diverses de sa pensée créative. Enchâssements multiples. Esprit
palimpseste.
L’esprit
déborde des contingences propres au langage, offrant à celui-ci les
possibilités de se dépasser, de s’affiner. A l’image de l’artisan créant l’outil
pour le modeler sans cesse, réconciliant toujours au mieux son sens et sa forme
plastique. Pour tendre à l’irréprochable forme du désir qui irrigue notre
paysage intérieur, intime. De paysage en pays sage.
BIOPHONIES Isolation,
normes, protection, l’acoustique prend des airs de repli dans l’ordonnancement,
la restriction, le contrôle. Notre capacité à entendre ne procéderait-elle plus
que par soustraction, annulation, disparition ? Sommes-nous à ce point
tentés, hantés par le silence ? Et qu’en est-il de la signature acoustique
propre à tout ce qui vit ?
Car le vital
bruisse de mille émissions aux fonctions ordinaires ou inattendues. Créations
buccales de tous ordres, entre borborygmes, flatuosités, gargouillis bizarres,
plus ou moins infâmes, ou nobles vocalises célébrant l’esthétique. Murmures signés,
codes inscrits au plus secret des organes intérieurs. Chahut sonore de la
corporéité se rappelant à notre bon souvenir comme à notre plus fine écoute.
Stridulations insistantes des cigales hachant menu l’air épais des étés
méridionaux. Grincement de dents chez le poisson-perroquet. Rumeurs fauves des
cétacés marins, dont l’intensité, si elles étaient produites dans l’air
ambiant, équivaudrait à la décharge d’une arme à feu de gros calibre à quelques
centimètres de notre oreille. Puissance sonore de la crevette pistolet,
corpuscule de quatre centimètres émettant - proportionnellement à son poids -
un souffle sonore neuf fois supérieur à celui d’un orchestre symphonique.
Les animaux
peuvent aussi adapter leurs comportements acoustiques. Un enregistrement en
fait foi : l’orque imite l’aboiement de l’otarie aux fins de l’attirer et
de la dévorer : comportement d’agent double en plein règne animal !
Des papillons de nuit parviennent à brouiller les signaux des chauves-souris
prédatrices. Défense du territoire, chasse, accouplement ou simple jeu… Quel
que soit l’objectif d’un signal, celui-ci doit être audible et sans
interférences. Précision millimétrée de Dame Nature.
Y a-t-il du
hasard dans le vivant ? L’origine et l’évolution de la vie relèvent-elles
uniquement de ce hasard ? Des savants parlent d’une probabilité quasi
nulle à ce sujet. Les mouvements des masses nuageuses, les tourbillons produits
pas l’eau d’un fleuve sont comme le trajet d’une boule de billard : autant
de phénomènes soumis à variations, à digressions, échappant, à un certain
moment, à toute prévision. C’est une longue suite de mutations heureuses qui
ont fait de l’homo sapiens ce qu’il
est devenu. En physique, beaucoup de phénomènes n’obéissent à aucune loi. Pour
autant, la métaphysique classique ignore la notion de hasard. Selon Spinoza,
Dieu « existe librement parce qu’il
existe par la seule nécessité de sa nature ». Puisqu’il est infini,
qu’il est partout dans la nature, il y a partout de la nécessité et non du
hasard. A la lumière des sciences modernes, on peut aujourd’hui se poser la
question des limites - toujours provisoires mais bien réelles - de nos
connaissances. Et donc de la nécessité de leur actualisation permanente. En
biologie moléculaire, l’opposition hasard / nécessité n’est ainsi pas une
contradiction. D’un côté, il y a le hasard des mutations génétiques. De
l’autre, il y a la nécessité, pour tout organisme, de résister au milieu et de
s’y adapter. Une mutation favorable à la survie sera retenue, une mutation
défavorable sera éliminée. Hasard et
nécessité du biologique.
L’univers du
vivant crée l’harmonie sonore au sein d’un grand orchestre animal. Tempérée ou
tropicale, chaque forêt génère sa propre signature acoustique, expression
spontanée, organisée, des insectes, des reptiles, des amphibiens, des oiseaux
et des mammifères. Le cerf brame pour inaugurer la saison des amours. Les
grenouilles arboricoles du Pacifique se disputent la fréquence de la bande
acoustique : l’une coasse, suivie immédiatement par une autre sur un
registre plus aigu… et l’orchestre se met en branle. Un paysage sonore africain
baroque, est révélé par l’analyse fine des spectrogrammes : les insectes
tissent la toile de fond, chaque espèce d’oiseau pose sa touche, les serpents,
singes et grands félins complétant les niches de l’espace sonore. L’orchestre
est au complet.
Plus de
quinze mille sons originaux interrogent notre curiosité dans ce répertoire
méconnu des espèces animales !Auxquels se mêlent ceux, plus familiers, de la géophonie : vent,
eau, pluie, mouvements du sol… Et ceux, plus contestables, de notre propre
cacophonie humaine : extraction minière, exploitation forestière,
étalements urbains et pollutions conséquentes, qui réduisent d’autant la
superficie des habitats sauvages… et perturbent gravement le grand orchestre
naturel. Seuls demeurent nos quelques rares gestes qui, s’accordant à son tempo
discret, savent encore en mimer la beauté secrète : celui, ample, du
pêcheur à la mouche, cuissards dans l’eau, fouettant l’air de sa canne souple
dans une sinusoïde au sifflement unique. Ephémère création humaine confiant sa
touche à l’ambiante biophonie.
Tendons
notre ouïe. Le vent agite quelques feuilles. Un pinson des arbres s’essaie à
quelques gammes, tandis que le coucou engage résolument sa rengaine têtue. La
vocalise en spirale du pouillot véloce rompt le silence et gonfle l’espace.
Chaque arbre a sa musique propre, qui varie selon la saison. Rude, rugueuse,
plus sourde, l’hiver. Ronde, pleine, proche du ronronnement, l’été, alors que
la végétation au sol se fait craquante. Douce folie que celle du chercheur
s’interrogeant sur l’existence d’un cerveau végétal ? A quand la clé du
langage des plantes, preuve d’une biocommunication ?
Le monde forestier bruisse de sons que le visiteur ne perçoit plus. Manque
d’habitude ou simple distraction. Seule l’oreille aux aguets saura distinguer
les nuances. Bienveillances de l’attention.
Mais comment
reconnaître, entendre des sons que l’on n’écoute plus ? En perte de
références, notre sensibilité diminue. Rampante, insoupçonnée, notre surdité
s’installe sans crier gare. Faute d’observateurs assidus pour le nommer, le
grand orchestre de la nature s’éteint peu à peu.
CANAL Curieuse occurrence que celle où un vocable identique
désigne le sujet et l’objet de l’œuvre. Canal, Canaletto. Serenissima.
Canalissimo. Eau, lumière et scénographie. Le peintre en son miroir. Eclats de
paysage et théâtre d’images. Toute une vie et rien qu’une vie à figurer
l’élément liquide et l’azur d’une cité, à la manière dont l’amant explore
soigneusement les multiples facettes de la femme élue et désirée, telle une cité-théâtre
déroulant ses fastes au gré d’un temps devenu soudain immobile.
Canal
déploie son goût de la geste artiste répétée jusqu’à l’obsession, à fleur
d’extase, à lenteur d’hypnoses. Science des variations fines composant et
recomposant de savantes séries. De celles dont les peintres, non sans une
fierté qui frise l’inconscience, prétendent à eux seuls épuiser le réel.
L’homme se voue à la célébration d’une cité dévoilant ses charmes aux yeux
éblouis de ses admirateurs. Fines modifications des aspects, des
contours ; variances des atmosphères vides ou peuplées. Toujours à la
manière dont on cherche à inventorier les mille parfums de l’aimée. Vingt fois,
cent fois il remet l’ouvrage sur le métier, s’acharnant à percer ce qui fait le
secret de l’âme des lieux. De sa technique qu’il veut infaillible, il en tutoie
gaiement l’essence.
Cultivant la
légèreté élastique du temps et de l’espace, le peintre collectionne les
instantanés dans la durée. Il puise et repuise un élixir dans la matérialité
figée des canaux de la Sérénissime. Là où eau dormante et ciel d’azur cernent
de savantes architectures. En voyeur patient, l’homme fait se mouvoir sur des
espaces apaisés maintes gondoles mouvantes comme des jouets miniatures.
L’apparence picturale appelle aussi des vérités tranquilles nommant un temps
retrouvé.
Technique
rigoureuse : Canal ne se déplace jamais sans son carnet à
« croquer ». Scénophage
étrange accouchant de dessins préparatoires, de croquis comme autant de matière
à toiles, d’annotations affûtées sur mille détails qu’alimente le réel. Carnets
témoins de la pensée en action. La ville est quadrillée, parcourue, sillonnée
en tous sens. En attente de transpositions picturales, elle prend tout le temps
de se laisser désirer. L’artiste voyeur met en scène les espaces magiques,
apposant sa patte experte sur les lieux comme sur une vivante pâte à modeler. Il
désire le temps comme l’expansion d’un réseau d’événements qui, par leur
fourmillement, décident d’une typologie singulière. L’acte pictural s’annonce
en une assomption où tout a valeur d’éternité.
Secondé par
sa chambre optique à opérateur intérieur, le peintre se fait photographe avant
l’heure. Il n’aime rien tant que se livrer à un jeu savant où il parvient à
mêler perceptions réelles et visions pensées dans une même quête de la vérité. Distorsions,
fantaisies, modifications de la perspective, Canal propose une interprétation du
réel plutôt qu’une typographique irréprochable. Changeant de point de vue, il
retrace ce que chaque angle visuel inscrit dans sa chambre noire, multipliant
les reflets comme autant de matières à peindre. A l’image des captifs de la
Caverne de Platon ne percevant que les ombres d’un monde inaccessible,
l’artiste s’isole un temps avant de réapparaître au grand jour. Eclipses
discrètes suivies d’épiphanies lumineuses.
L’assoiffé
absorbe les paysages jusqu’à plus soif, en épuisant les sucs les plus délicats.
Mais il ne tarde pas à reprendre ses croquis et se livre à une recomposition
complexe, toute personnelle, d’un espace vénitien crédible pour le spectateur
qui le saisira sur la toile. Metteur en scène aussi subtil qu’acharné, le
peintre distribue ses données comme un musicien ses variations sur un thème
donné. Tel, aussi, le romancier juché sur les échasses dominant l’Histoire pour
en restituer la vérité romancée. Spectateurs, nous partageons l’impression
imposante de regarder à travers une fenêtre très haute… qui n’existe pourtant
pas ! Noblesse visuelle de la Sérénissime.
Canaletto
collecte et conquiert la lumière intense qui baigne la cité pour en recréer sur
la toile le « réalisme vraisemblable ». Cité de pierre, d’eau, de
ciel et d’hommes, sa Venise scintille dans les reflets d’un soleil marin et
dans les marbres froids de ses palais. Autant dans les crépis parfois abîmés,
dans le silence immobile des canaux, que dans le quotidien d’une société de
citoyens affairés. Personnages aux fenêtres - comme au spectacle - stores mal
relevés ou bancals, avocats imposants avec leurs habits rouge vif, laquais en
uniforme, mendiants, petit peuple de la rue…
Auteur du
palimpseste incessant de la Veduta,
le peintre finit par s’adonner au mode du capriccio
pictural, proche cousin du capriccio
musical : il s’agit de choisir un lieu réel et de l’orner de magnifiques
édifices idéaux, cueillis ici ou là. Culture du subtil au gré des formes. A
l’insu de tous, le réel se métamorphose. Canaletto fait ses caprices, comme
prêchant sa cour à la magnificence apaisée de la ville. Dans l’ombre du peintre
n’en a jamais fini de sommeiller le metteur en scène des origines, avide de
variantes infinitésimales. Venise se mue en mythe, cet objet du désir que
transforme le regard. Sublime, Canal se fond dans la lumière.
Nouveau livre paru le 27 octobre 2021
DEFENSE et USAGE de la FRANCOPHONIE par la lecture et l’écriture !
Avec « Eclats de rire », je signe son douzième projet d’écriture. Mon intention ? Faire vivre et partager dans toute sa diversité notre langue française de plus en plus cernée par un globish anglo-saxon colonisateur et délétère. Il y va de notre culture comme de notre identité !
LIGNES d'ERRE
La FORCE de l'INTUITION
LIVRE 11 paru en DEC 2020
Laisser la pensée errer : une rareté qui confine au luxe d’une temporalité désormais perdue ? Qu’est-ce que sentir, apprendre ? Rêver ? Quels liens entre qui je suis et ce que je sais ? Comment la reconnaissance peut-elle faire échec au spectre toxique du ressentiment qui agite notre village global contemporain ? Qu’est-ce qu’un réseau citoyen de savoirs partagés ? Comment le partage magique de l’art peut-il transformer notre école en micro-société bienveillante, fondée sur des rapports de confiance et de coopération ? Comment chacun.e de nous se révèle-t-il via ses œuvres singulières ? Autant de questions originelles propres à enrichir et déployer nos identités personnelles et collectives. Au bénéfice d'un lien social à raviver.
Que signifie « penser » ? Enigme non levée ! Sauf à (se) révéler, via la trace et l’entrelacs, le noble étonnement né de notre autonomie et de notre dignité. Cette question en voile une autre, connexe, touchant à l’esquisse d’une vérité sacrée, qui nous dépasse : « Qu’est-ce qu’être humain ? » Et, pour éclairer nos chemins, ce viatique puissant : la poésie de l’intuition.
A VOIR SUR : edition999.info/LIGNES-d-ERRE.html
ESPRITS NOMADES
EXILS A L'OEUVRE (TEMOIGNAGE)
LIVRE 10 (paru en AVRIL 2020)
Quelle alchimie peut survenir de la rencontre improbable entre émigrés précaires et sédentaires assumés ? Ancestraux, mouvements de migration et gestes d’accueil appartiennent au cours normal de l’histoire. Leur brutale résurgence pose à nos sociétés consuméristes, hyper connectées, la question lancinante du socle des valeurs à sauvegarder.
L’expérience partagée ici, au plus près du quotidien de nos territoires, témoigne d’un échange et d’un enrichissement possibles entre des migrants contraints à la fuite et les exilés de l’intérieur que nous sommes tous à des degrés divers. Elle débouche sur l’opportunité de faire œuvre ensemble autour d’une quête et d'une estime de soi qui nous transcende. Elle nous parle de l’exil comme d’un lieu de révélation possible de cette création. Celle d’une reconnaissance mutuelle s’incarnant dans un récit commun porteur de sens.
« Un homme ça s’empêche » écrit Camus en un mantra moral sidérant. « Mon cirque est dans le ciel » clame en écho Chagall dans une vision rêvée aux parfums d’enfance. Reliant ces deux fils à son propre récit de vie, un certain Candide tente de ranimer les feux puissants des Lumières. Entre son Qui suis-je et son Que sais-je, le fils de Voltaire nous livre sa parole en mutation. De l’espace sonore avorté à celui, médité, de la feuille blanche, le geste et l’esprit rejouent leur duo idéal, nous proposant une belle leçon de vie : l’émancipation par la connaissance et l’acte d’écriture.
" LE CARNAVAL DES MIMES ", Dans l'oeil du désir mimétique
Quels liens tisser entre les attitudes du souffleur sur verre au travail, les lubies du collectionneur passionné, un orchestre d’enfants jouant sur des instruments fictifs et… une bonne tête d’équidé placide ? Quels rapports imaginer entre les arabesques d’un corps dans l’espace, les gestes de pudeur d’une femme voilée et les formes palpitantes d’une nature morte ?Quelles affinités pour figurer les feintes du poulpe mimétique, les facéties chimiques d’une comète et la fascination exercée par nos écrans connectés ?
L’imitation inconsciente d’un désir secret nous balade entre fusion et conformisme, désignant à notre insu des modèles à contrefaire. Partout et de tous temps la mimétique est à l’oeuvre. Le monde est un théâtre d’ombres où chacun consent à délaisser un original unique pour des doublures fictives. Un Carnaval des Mimes s’agite sur fond de caverne sociale. Pour le meilleur et pour le pire. Entre fiction et essai, ces courts récits de vie témoignent d’une observation réfléchie du phénomène et en présentent une vision émouvante aux colorations poétiques et philosophiques.
L'auteur inscrit son travail dans les traces de René Girard (" La Violence et le Sacré " - 1972).
Plongés dans le flux du vaste laboratoire lexical, nous assistons à l’éclosion des mots émergeant du bain révélateur de nos émotions. Dilatant nos paysages intérieurs, ils se font les témoins incarnés de nos étonnantes traversées de la nature à la culture. Origines et généalogies, formes et mythes, chroniques et métaphores, esthétique et philosophie trouvent leur port d’attache dans les dédales enivrants de la langue. Là où se révèle la part infrangible de nous-même.
Sous les fins mots, phénomènes et flux de pensée, dont les épures nous troublent, esquissent des récits mouvants, allégoriques. Ceux de nos mutations profondes, incessantes, célébrant la voie plus que la cible. Tous nos sens aux aguets, nous prolongeons l’éphémère des passages. Jusqu’à goûter l’onde qui se propage intérieurement. La vibration intime de nos émouvances.
PHILOJAZZ Petites ritournelles entre souffle et pensée
PUBLICATION
" PHILOJAZZ ",mon 3ème livre, est paru le 1er décembre 2012.
" PHILOJAZZ ", une histoire passionnée du jazz écrite au rythme de la pensée philosophique, à travers l'écoute de 25 standards de la musique afro-américaine. Quand jazz et philosophie, passion et raison, nouveau et ancien monde, savent croiser des forces complices dans une démarche commune d'appréhension du monde...
"PHILOJAZZ" sur FRANCE-CULTURE
Au "Journal de la Philosophie" de François Noudelmann
Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs, Le sinciput plaqué de hargnosités vagues Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;
Ils ont greffé dans des amours épileptiques Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges, Sentant les soleils vifs percaliser leur peau, Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges, Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.
Et les Sièges leur ont des bontés : culottée De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ; L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes, Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour, S'écoutent clapoter des barcarolles tristes, Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage... Ils surgissent, grondant comme des chats giflés, Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage ! Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.
Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves, Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors, Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !
Puis ils ont une main invisible qui tue : Au retour, leur regard filtre ce venin noir Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue, Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales, Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.
Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières, Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés, De vrais petits amours de chaises en lisière Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;
Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule Les bercent, le long des calices accroupis Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules - Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.
En vad...
En vadrou...
En vadrou...
En vadrou...
En vadrouille
En vadrouille
" FIAT LUX " - EXPO PHOTOS
Dans le cadre de la BIENNALE " PHOTOFOLIES EN TOURAINE ", l'auteur expose à la Bibliothèque de Beaulieu lès Loches, sur le thème de la lumière.
Place à la lumière, matériau premier du peintre comme du photographe. Lumière-matière à modeler, sculpter, transformer. Sublime glaise dont chacun peut jouer à l'infini. De l'évidence scientifique à l'esthétique picturale, la lumière surgit, rayonne, diffuse, réfléchit, colore, voile révèle. Et quand elle s'absente sur la fine pointe de ses radiations, c'est en nous confiant le vestige d'une réalité au creux même de la pensée. Convertie en essence philosophique, sa clarté en vient à célébrer la joie mobile de l'esprit. Irait-elle jusqu'à nous livrer la clé des songes ?... Fiat lux ! ... Que la lumière soit !...
ARAGON / FERRE
Je chante pour passer le temps Petit qu'il me reste de vivre Comme on dessine sur le givre Comme on se fait le coeur content A lancer cailloux sur l'étang Je chante pour passer le temps
J'ai vécu le jour des merveilles Vous et moi souvenez-vous-en Et j'ai franchi le mur des ans Des miracles plein les oreilles Notre univers n'est plus pareil J'ai vécu le jour des merveilles
Allons que ces doigts se dénouent Comme le front d'avec la gloire Nos yeux furent premiers à voir Les nuages plus bas que nous Et l'alouette à nos genoux Allons que ces doigts se dénouent
Nous avons fait des clairs de lune Pour nos palais et nos statues Qu'importe à présent qu'on nous tue Les nuits tomberont une à une La Chine s'est mise en Commune Nous avons fait des clairs de lune
Et j'en dirais et j'en dirais Tant fut cette vie aventure Où l'Homme a pris grandeur nature Sa voix par-dessus les forêts Les monts les mers et les secrets Et j'en dirais et j'en dirais
Oui pour passer le temps je chante Au violon s'use l'archet La pierre au jeu des ricochets Et que mon Amour est touchante Près de moi dans l'ombre penchante Oui pour passer le temps je chante
Je passe le temps en chantant Je chante pour passer le temps
" FIAT LUX " - EXPO PHOTOS (suite)
LAZULIE
CHAGALL (détail)
CHAGALL (détail)
PARIS PAR LA FENETRE
MARC CHAGALL 1913
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
Furtifs
MUSEE
MUSEE
MUSEE
MUSEE
VAISSEAUX ICEBERGS
VAISSEAUX ICEBERGS
VAISSEAUX ICEBERGS
VAISSEAUX ICEBERGS
VAISSEAUX ICEBERGS
VAISSEAUX ICEBERGS
VAISSEAU ICEBERG 1
VAISSEAU ICEBERG 2
VAISSEAU ICEBERG 3
VAISSEAU ICEBERG 4
" FIAT LUX " - EXPO PHOTOS (suite)
LE BATEAU IVRE
Comme je descendais des Fleuves impassibles Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cible Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ...
... La tempête a béni mes éveils maritimes Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes Dix nuits sans regretter l'oeil niais des falots
... Mais vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes Toute lune est atroce et tout soleil amer L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes O que ma quille éclate ! O que j'aille à la mer !...
Arthur RIMBAUD Poésies
ALBERT CAMUS "Noces à Tipasa"
Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie. A peine en moi ce battement d'ailes qui affleure, cette vie qui se plaint, cette faible révolte de l'esprit. Bientôt, répandu aux quatre coins du monde, oublieux, oublié de moi-même, je suis ce vent et dans le vent, ces colonnes et cet arc, ces dalles qui sentent chaud et ces montagnes pâles autour de la ville déserte. Et jamais je n'ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde.
L'hiver, le soir : alors, parfois, l'espace ressemble à une chambre boisée avec des rideaux bleus de plus en plus sombres où s'usent les derniers reflets du feu, puis la neige s'allume contre le mur telle une lampe froide
JACCOTTET "A la lumière d'hiver "
RENE CHAR
Nous n'appartenons à personne sinon au point d'or de cette langue inconnue de nous, inaccessible à nous qui tient éveillés le courage et le silence.
APOLLINAIRE " CHANSON DU MAL AIME "
Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir...
... Les dimanches s'y éternisent Et les orgues de Barbarie Y sanglotent dans les cours grises Les fleurs aux balcons de Paris Penchent comme la tour de Pise...
VERLAINE / BRASSENS
COLOMBINE
Léandre le sot Pierrot qui d'un saut De puce Franchit le buisson Cassandre sous son Capuce
Arlequin aussi Cet aigrefin si Fantasque Aux costumes fous Ses yeux luisant sous Son masque
Do mi sol mi fa Tout ce monde va Rit chante Et danse devant Une frêle enfant Méchante
Dont les yeux pervers Comme les yeux verts Des chattes Gardent leurs appas Et disent : " A bas les pattes ! "
L'implacable enfant Preste et relevant Ses jupes La rose au chapeau Conduit son troupeau De dupes
Charles BAUDELAIRE
Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre Et mon sein où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Eternel et muet ainsi que la matière...
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris; J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes; Je hais le mouvement qui déplace les lignes; Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
" UN BALCON EN FORET " Julien GRACQ
Au coeur de la forêt d'Ardenne comme au coeur de l'attente Julien Gracq se fait pour nous guetteur muet des sylvestres solitudes. Le coeur de la forêt refuge et prison à la fois carrefour d'histoire à poésie de poésie à géographie. Gracq rêveur éveillé des toits et des belvédères agissant et se regardant agir dans l'épais silence des layons filant à travers bois vers le val de Meuse en contrebas. Au coeur de la forêt d'Ardenne comme au coeur de l'attente où l'espace et le temps s'estompent infiniment lecture et art fusionnent étrangement ...
Paul ELUARD " L'Amour la poésie "
La terre est bleue comme une orange ...
Les guêpes fleurissent vert L'aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté
Les idées sont des succédanés des chagrins
Marcel Proust
Au coeur des paysages s'inscrit l'étoffe des rêves comme autant de pays sages arpentés sans trêve
La langue est la peinture de nos idées RIVAROL
La plupart des gens meurent sans avoir vécu. Heureusement, ils ne s'en aperçoivent pas.
IBSEN
BLOGS AMIS La Passée des Arts
Bleu de cobalt
L'Estro Armonico
Infime est la portion de vie que nous vivons SENEQUE
Une preuve du pire, c'est la foule SENEQUE
C'est quand il n'y pas grand'monde qu'il y a grand'chose PREVERT
La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil
René CHAR
L'habituel défaut de l'homme est de ne pas prévoir l'orage par beau temps
MACHIAVEL
On ne retrouve jamais le commencement du commencement, mais toujours l'aurore d'une vie nouvelle JANKELEVITCH
BHAGAVAD GHÎTÂ
En haut, ses racines, en bas, ses branches, tel est l'arbre cosmique immuable. Les hymnes en sont les branches. Qui le connaît connaît la connaissance.
Krishna
RIMBAUD Les Effarés
Noirs dans la neige et dans la brume, Au grand soupirail qui s'allume, Leurs culs en rond [,] À genoux, cinq petits, — misère ! — Regardent le boulanger faire Le lourd pain blond [.] Ils voient le fort bras blanc qui tourne La pâte grise, et qui l'enfourne Dans un trou clair. Ils écoutent le bon pain cuire. Le boulanger au gras sourire Chante un vieil air. Ils sont blottis, pas un ne bouge, Au souffle du soupirail rouge, Chaud comme un sein. Quand, pour quelque médianoche, Façonné comme une brioche, On sort le pain, Quand, sur les poutres enfumées, Chantent les croûtes parfumées, Et les grillons, Quand ce trou chaud souffle la vie Ils ont leur âme si ravie, Sous leurs haillons, Ils se ressentent si bien vivre, Les pauvres Jésus pleins de givre, Qu'ils sont là, tous, Collant leurs petits museaux roses Au grillage, grognant des choses Entre les trous, Tout bêtes, faisant leurs prières, Et repliés vers ces lumières Du ciel rouvert, Si fort, qu'ils crèvent leur culotte, Et que leur chemise tremblote Au vent d'hiver.
APPRENDRE ?... UNE ALCHIMIE
Le sage montre la lune, le sot vise le doigt. La scène a valeur de fable. Déjouons-la pour mieux la rejouer. Voici que le sot présumé glisse son regard vers la face joviale de l’astre… jusqu’à le plonger sur son versant caché. Dans le secret gardé des choses, ce lieu de la conscience né de l’épaisseur de qui nous sommes. Notre apprenti – ce frère universel en puissance – se fait soudain plus sage que… le sage lui-même. La leçon a valeur de tremplin. Par où diable est-il passé ? Quels subtils chemins de traverse a-t-il arpentés ? Son parcours tient du labyrinthe mêlé, complexe, d’une gestation aux ressorts intimes dont lui seul détient les clés. L’instant d’apprendre ?... Il le nourrit d’abord d’un souffle alterné, au rythme d’un échange gazeux. Son corps et tous ses sens émergent, vestiges en nous de l’animal qui s’apprête à bondir. Sa tête aussi, sentinelle aux aguets comme un cœur qui bat. Et l’esquisse d’un geste d’attention, l’adresse d’un silence, d’une promesse de soin faite à l’objet d’apprentissage. La connaissance n’en finit pas de s’amorcer dans l’attente de son plaisir différé. Muette et patiente épiphanie. Surprise d’une promesse neuve comme un phénix. Elle n’oublie pas qu’elle est naissance toujours revisitée. Co-naissance, re-connaissance. Rappel bienvenu d’un état croisé dans une autre vie ? Savoir inscrit, toujours remémoré ? L’objet se tient là, le futur sage se sent prêt. Tout en lui vise, pointe, prévoit, anticipe. Gourmande à l’avance. Présent à soi, il sent qu’il entre en état d’initiation, en accès à cette part de lui qui sait… qu’il ne sait pas encore. Attente pleine, concentration… Et bascule. Le cœur du geste d’apprentissage advient telle une évidence longtemps retenue, contenue. A l’image d’un désir qui migre, l’instant survient où tout s’éclaire, l’espace d’un frisson qui entre en résonance avec son objet, le comprend, l’appréhende, le saisit dans sa singularité touchante. Via l’émotion, le corps et le mental réunis. Passage entre frôlement et impulsion. Force de l’évidence. Vertige provoqué et relâchement des sens. Ajustement des liens.
L’après s’annonce déjà, comme l’éclaircie suit l’ondée féconde, l’averse gonflée de ressources. En nous guette encore la vigie grisée d’une veille attentive. Avant que n’advienne le sursis né d’un trop plein de tension. Escale bienvenue que ce moment où le créateur suspend l’œuvre parvenue à son apogée. Le climax d’une attente dès lors comblée, assouvie. L’euphorie pleine des promesses du travail accompli habite l’élève, désormais initié. Tel un vin nouveau, le savoir du jour est arrivé. Rien ne sera plus comme avant. Notre tronc toujours en croissance vient s’enrichir d’une strate fraîche qui fait lien vers la totalité de l’arbre – multiples rhizomes – que nous formions déjà. Somme d’instants anciens, familiers, prêts à se réactiver à tout moment. Gisement de ressources liées à notre récit personnel, unique en son genre, inscrit dans ce que nous ne cessons d’être. Une continuité en mutation. L’apprentissage appelle la transmission, comme sous le matin qui blêmit la rosée s’attarde. Que faire d’un magot dormant ? D’un pactole froid ou d’un astre éteint ? Alors que le plaisir de savoir se dédouble, se redouble à l’infini d’un délice qui dure, s’étale, prend ses aises. La connaissance nous a transformés. Et voici que l’élève appliqué mute en professeur curieux. L’acte d’apprendre vient de trouver sa seconde vie : enseigner. Est-ce une autre histoire ? Ou la même qui lui ressemblerait comme une sœur ? De quel bois sommes-nous faits ? Notre personnalité se révèle ici en compagne accueillante qui sous-tend, anime et ravive nos apprentissages. Elle est ce lieu précieux d’une rencontre à explorer entre ce que je sais et qui je suis…
Magnifique passage sur la 'biophonie', j'adore le son, le bruit, la musique, la radio, la nature. Tout est son, tout est bruit. Bravo!
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