"EQUINOX" par JOHN COLTRANE
dimanche 16 juin 2013
EMOUVANCES (1), SOUS LES FINS MOTS, LES PHENOMENES
Apprendre à
voir ce qui est déjà là sous nos yeux. « L’homme
est une corde sur l’abîme, un pont et
non un but, un passage et un déclin », nous souffle le Zarathoustra de Nietzsche. La finalité
est dans la forme donnée au trajet, dans le voyage lui-même. Et donc dans le
langage qui sous-tend nos observations comme nos actions. Elle niche au creux
de notre capacité à inscrire la fin du voyage en chaque pas du chemin. Parole
de philosophe évoquant ainsi le jeu du jazzman Sonny Rollins : « un déplacement vertical de la forme
de soi ». L’enjeu est de viser au perfectionnement moral à travers la
richesse des formes réveillées et activées. On rejoint ici la création de
soi-même, du soi caché, comme objet d’une œuvre d’art : la sculpture de
l’âme selon Plotin, chemin vers notre unité. A chaque enjambée, à chaque
échange, une forme nouvelle de soi. Conversation au rythme du pas initiée par
Socrate l’ancien lorsqu’il descend parler aux gens de la rue. Discussion vivante,
d’homme à homme : on observe, discourt, interroge, se (re)met en
questions. Ou dialogues initiés par le moderne Stanley Cavell suggérant à
chacun d’accomplir le travail qui saura le conduire au-delà de lui-même. Ô
surprise !... Ce moi rehaussé ne s’appuie jamais que sur l’ordinaire de
notre condition.
Qui veut la
fin n’envisage-t-il que les moyens pour y parvenir ? Le but ultime de nos
entreprises n’est-il qu’une obsession trompeuse ? Il se pourrait bien que
nous soyons condamnés, à notre insu, à répéter indéfiniment la mécanique
compulsive née d’une fêlure originelle et secrète depuis toujours déjà là. Si
ça se répète, c’est sans doute que ça ne demande qu’à parler en nous. Au creux
de la conscience s’agite l’adversaire fatal qui rejoue sans cesse le coup de dé
d’une chute ancienne. Bégaiement fêlé, hoquet du passé, mode imparable de la
parole empêchée.
Et si,
arrêtant le cours de la flèche folle lancée à toute allure vers la même cible
mouvante de l’oubli, nous posions enfin la question de sa course, du chemin
emprunté ? Celle de la manière et de la forme. Regard étonné sur la
plasticité des choses, sur l’élégance possible apposée à leur simplicité.
Pansement élastique sur la ritournelle entêtante des hasards, des contingences
qui nous meuvent, nous émeuvent. Baume apaisant sur nos chagrins que ces
émouvances-là.
"EQUINOX" par JOHN COLTRANE
"EQUINOX" par JOHN COLTRANE
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire